John Boyne
JC Lattès, 2020
Traduit de l’anglais (Irlande) par Sophie Aslanides
Maurice le sait depuis toujours : il sera écrivain. Il a ça dans les tripes. Il aime les mots et sait parfaitement les manier. Il entend bien, dès la parution de sa première oeuvre, connaître le succès et gagner la reconnaissance due aux plus grands.
Seul problème : il n’ a aucune imagination. Rien. Zéro. Nada. Pas la queue d’une idée. Lorsqu’il se met devant la page blanche, le peu qu’il parvient à produire est poussif et, il s’en rend bien compte, totalement dénué d’intérêt...
Pas de quoi renoncer, cependant. En attendant de connaître la gloire, il exerce des petits boulots. Un soir, alors qu’il assure son service au bar d’un grand hôtel berlinois, il aperçoit parmi les clients Erich Ackerman, le récent lauréat d’un prestigieux prix littéraire anglais alors en pleine tournée internationale. La beauté insolente du jeune homme attire aussitôt le regard de l’écrivain. Faire connaissance avec un auteur en vogue, quelle meilleure porte d’entrée dans le monde littéraire ?
Maurice se lie très vite avec Ackerman dont il devient le secrétaire et, profitant de l’attraction qu’il exerce sur lui, glisse bientôt vers le rôle de confident. Ackerman, à défaut de parvenir à le mettre dans son lit, se contente d’avoir de longues conversations avec lui et lui révèle des aspects de plus en plus intimes de sa vie, finissant par évoquer ses souvenirs de jeunesse dans l’Allemagne nazie. Maurice le sent : il tient enfin son histoire, celle qui va le lancer. Il le fait parler encore et encore, jusqu’à obtenir l’effroyable secret qu’Ackerman avait tenté d’enfouir au plus profond de sa mémoire... Chaque soir, une fois qu’il a regagné sa chambre, Maurice écrit ce qu’il a entendu. Peu importe si ce qu’il révélera doit entraîner la chute et la déchéance de son mentor...
Avec son roman Deux Allemands, Maurice entre dans le cercle très fermé des écrivains célèbres. Son succès est-il dû à la qualité de son texte ou bien à la nature de ses révélations ? Quoi qu’il en soit, Maurice a obtenu ce qu’il voulait et sait désormais qu’il peut et doit s’appuyer sur les histoires des autres. Ce qu’il n’hésitera jamais à faire, quelle que soit la portée des actes qu’il devra commettre pour se les approprier...
Qu’est-ce qu’avoir la vocation littéraire ? Comment naît l’inspiration ? Jusqu’où peut-on dire qu’une idée vous appartient ? Jusqu’à quel point peut on emprunter les éléments d’une vie qui n’est pas la vôtre ? Partir d’éléments biographiques ou d’un texte qui ne sont pas les vôtres pour les réviser, les réagencer, les transformer, est-ce créer une oeuvre personnelle ? Peut-on exposer dans une fiction des éléments de réel qui ne vous appartiennent pas ? Autant de questions qui agitent régulièrement le monde littéraire et que John Boyne met en scène et en situation d’une manière volontairement provocatrice dans un roman fort prenant et sacrément bien ficelé qu’on a bien du mal à lâcher jusqu’à sa pirouette finale.
Peut-être pour donner plus de force à son roman aurait-il pu davantage soigner ses personnages secondaires dont, pour au moins l’un d’entre eux, on ne comprend pas très bien pourquoi il les rend aussi abjects... Peut-être pour montrer que les écrivains sont des personnes exactement comme les autres, et qu’ils ne sont que le reflet de notre monde, pour le meilleur et pour le pire ?
Je n'aime pas tellement que l'on me montre la petite cuisine littéraire, mais là je pense que je m'intéresserais davantage au secret.
RépondreSupprimerAh non mais je te rassure : pas de petite cuisine ici ! En tout cas j'espère que les méthodes auxquelles recourt le héros de ce roman ne sont pas légion ! Ou alors, on a du mouron à se faire…
SupprimerC'est plutôt à travers une fiction bien fichue et des arguments volontairement extrêmes que l'auteur aborde la réflexion sur les conditions de la création littéraire, sur ce qu'est une vocation et les sources d'inspiration. Absolument rien de théorique ni de démonstratif ici...
j'ai prévu de le lire, tant psi pour la petite cuisine! l'idée est belle
RépondreSupprimerL'idée est intéressante et le traitement est assez prenant :-)
SupprimerCa donne bien bien envie... je suis assez cliente de ces sortes d'intrigues :-)
RépondreSupprimerÇa t'étonne si je te dis que ça ne me surprend pas ? ;-)
SupprimerIl faudrait poser à l'auteur toutes tes questions.
RépondreSupprimerEn espérant qu'il ne me réponde pas que les recettes présentées dans le livre sont celles qu'il a lui-même appliquées :-D
SupprimerJe n'ai pas l'impression que ce soit un roman pour moi.
RépondreSupprimerOn n'est pas obligé de tout lire...
SupprimerCa m'intrigue... Mais la qualité littéraire d'un texte me semble résider aussi bien dans la qualité stylistique que dans l'histoire. Alors, on peut piocher tant qu'on veut dans les histoires des autres, si on n'a aucun talent pour les coucher sur le papier, ça ne sert pas à grand-chose.
RépondreSupprimerBien sûr ! Mais dans ce roman, le héros semble manier la plume avec un certain talent. La question est plutôt sur quoi écrit-on ? Peut-on s'approprier l'idée d'un autre ? Et d'ailleurs, les idées, les sujets appartiennent-il à quelqu'un ? Et la vie privée ? Un écrivain a-t-il le droit de tout dire ? Des questions qui reviennent très souvent aujourd'hui où de nombreux romans partent d'éléments biographiques qui vont parfois jusqu'à entraîner leurs auteurs devant les tribunaux...
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