Entretiens

mardi 18 février 2020

Une machine comme moi

Ian McEwan

Gallimard 2020


Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon


Et si Alan Turing, le célèbre mathématicien qui déjoua le cryptage des codes allemands pendant la Seconde Guerre mondiale ne s’était pas donné la mort en 1954 ? Et si ce génie des chiffres avait poursuivi ses recherches, contribuant à accélérer drastiquement les progrès de l’intelligence artificielle en Grande Bretagne ? Alors, dès les années 1980, sous l’ère Thatcher, tandis que la guerre des Malouines divisait l’opinion et que la question de la sortie de l’Union européenne faisait son apparition, les plus fortunés parmi les citoyens anglais auraient pu s’offrir un androïde. Voilà le tableau imaginé par Ian McEwan.

Ce n’est pas que Charlie soit richissime, d’ailleurs. Mais il a hérité d’une somme rondelette qu’il choisit de consacrer à l’achat de l’un des quelque cinquante Adam et Eve qui viennent d’être mis sur le marché. Ce robot ayant toutes les apparences humaines va venir prendre place au sein du foyer que Charlie est en train de fonder avec sa charmante voisine Miranda dont il est fraîchement tombé amoureux.

Une fois les principales options de réglage établies pour la mise en route, Adam apprend évidemment très, très vite. Bien sûr, il sait faire instantanément de savants calculs et il est capable d’aller rechercher la moindre information sur n’importe quelle question. Mais, et c’est plus inattendu, il se met à composer des poésies, des haïkus plus ou moins heureux. Il faut dire qu’Adam est tombé amoureux. De Miranda. 

Non, McEwan ne se contente pas, vous vous en doutez bien, de réinventer le vaudeville à la sauce numérique ! Cette situation inédite est l’occasion d’interroger l’infléchissement que pourraient connaître nos existences à mesure que l’intelligence artificielle y prendra une place croissante. En premier lieu : qu’adviendra-t-il le jour où plus aucun humain ne travaillera parce que toutes les tâches - aussi bien mécaniques qu’intellectuelles - auront été confiées à des robots ? Et quel sera alors le sens de nos vies lorsque le travail n’en sera plus le but ? A quoi occuperons-nous notre temps ? 
Mais surtout, comment ces machines, créées pour interagir avec les humains pourront-elles le faire, alors que leur pure logique fondée sur un système binaire (le bien versus le mal, la vérité versus le mensonge) se heurtera à tous nos petits arrangements ? Et nous-mêmes, face à leurs implacables raisonnements, ne serons-nous pas alors confrontés à de cruels dilemmes, sommés de résoudre nos contradictions ?

A travers les fils d’une intrigue très savamment tissée, en choisissant de nous installer dans un passé récent et familier qu’il distord plutôt que dans un futur plus ou moins aléatoire, Ian McEwan nous tend un miroir pas si déformant que cela... Un miroir sans concession dans lequel nous nous observons pourtant avec un réel plaisir, tant sa finesse et son talent de conteur sont remarquables.


Allez donc voir aussi ce disent Nicole et Kathel de ce roman... Elles sont inconditionnelles de l'auteur!

19 commentaires:

  1. repéré chez Nicole, je vais le lire bientôt !

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  2. Je l'emprunterai à la bibliothèque tôt ou tard.

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    1. C'est sûr que les bibliothèques ne tarderont pas à l'acquérir !

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  3. C'est amusant comme je n'ai pas noté le thème du travail, ou plutôt de la manière dont les humains s'occuperont lorsque tout le travail sera délégué aux robots... Une retraitée voit forcément ça un peu différemment... ;-)
    Sinon, je suis contente que mon plaisir de lire ce roman soit partagé !

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    1. Et pourtant, il évoque cette question à plusieurs reprises dans le livre !
      Au début de ma vie d'adulte, je ne me serais jamais vue ne pas travailler. Je crois que, même si j'en avais eu les moyens, j'aurais eu l'impression de pas être utile aux autres, d'une certaine manière. Aujourd'hui, je vois les choses tout autrement, et si j'avais le loisir d'arrêter de travailler, je sais exactement ce que je ferais et quels projets je développerais ! Et même là, je suis certaine que j'aurais encore l'impression de manquer de temps ! :-D

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  4. Pour le talent de l'auteur, car le sujet ne me tente pas.

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  5. Bon, j'attends la bibli mais je veux le lire!

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    1. Il risque d'être très demandé... Il va falloir t'armer de patience ;-)

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  6. Bon, je vais peut-être arrêter de crier mon amour pour McEwan (et son cerveau) sur tous les toits ;-) . Contente que tu l'aies apprécié (j'espère que tu as lu Expiation). Je suis allée l'écouter pendant 1h30 lors de la Nuit de la lecture, un grand moment...

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    1. J'imagine ! Et es-tu allée à sa master classe, à la BNF ? Je suis sûre que c'était passionnant.

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    2. Non, les 2 étaient à quelques jours d'intervalle et j'ai opté pour cette rencontre dans le cadre de la Bibliothèque historique de la ville de Paris...

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  7. Bon, tu sais que je l'ai acheté. Mais je ne vais pas le lire tout de suite puisque j'ai plein de livres de la bibliothèque à lire avant...

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  8. J'aime McEwan. D'amour. Du coup, je vais certainement lire celui-là.

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  9. Bonjour Delphine-Olympe, moi aussi, je suis assez fan de McEwan. Ce roman m'a plu pour l'histoire qui pourrait devenir vraie avec le développement de l'intelligence artificielle. Bonne après-midi.

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    1. Merci Dasola, l'IA n'en est en effet qu'à ses débuts... Bonne soirée et bon dimanche :-)

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