Entretiens

jeudi 6 décembre 2018

Le dernier bain


Gwenaële Robert

Robert Laffont, 2018




Eh bien ! Ça ne m’arrive pas souvent, mais je ne sais que penser du livre que je viens de terminer.  Si tout se passe bien, j’y verrai plus clair au terme de ce billet...

A travers le célèbre tableau qu’en a peint David, Gwenaële Robert s’attaque à l’une des figures de la Révolution française, Marat. Comme tout le monde, je sais qu’il était appelé l’Ami du peuple, qu’il réclamait inlassablement des têtes, qu’il était atteint d’une maladie de peau très aiguë et qu’il fut assassiné dans son bain par une certaine Charlotte Corday... Pas grand chose, en somme. La lecture d’un roman ne pouvait que m’aider à mieux connaître ce personnage définitivement associé à la Terreur.

Disons tout d’abord que ce texte est extrêmement bien écrit. Le style est vif, précis, l’auteure restitue avec une très belle force d’évocation le Paris révolutionnaire, quand la défiance le disputait à l’espérance, tandis que la délation régnait en maître.
Quant aux principaux protagonistes, ils sont parfaitement campés. Tant Marat que David, Marie-Antoinette que Charlotte Corday et les personnages fictifs qui les entourent, tous prennent vie avec une incroyable efficacité.

Par ailleurs, l’objet de cette (excellente) collection qu’est «Les passe-murailles» est de nous faire entrer, à travers la fiction, dans une oeuvre littéraire ou picturale, dans l’univers d’un artiste. Or Gwenaële Aubry excelle à mettre en lumière l’intention qui a guidé David rendant un hommage à son ami Marat. Elle démontre parfaitement la nature hagiographique du tableau. Elle en décrypte le moindre détail pour nous permettre d’en comprendre la portée et le sens. Et c’est tout à fait passionnant.

Alors, me direz-vous, d'où vient la frilosité que j'ai manifestée en préambule de cette chronique ?

C’est que, tout au long de ma lecture, j'ai buté sur la façon d'appréhender le sujet. Marat et plus encore la reine y sont vus comme des individus ordinaires. On les prend dans les dernières heures de leur existence, avant qu'ils soient assassiné pour l'un et exécutée pour l'autre. Nous sommes projetés dans ce Paris révolutionnaire et nous sommes pris à témoin de la brutalité, de la sauvagerie qui avait gagné la population. On ne peut qu'être ému du sort réservé au Dauphin séparé de sa mère éplorée. On ne peut qu'être révolté par l'intransigeance de Marat qui envoyait les gens à la guillotine à tour de bras, et ce sur la foi des simples dénonciations qui lui parvenaient sans discontinuer.
Loin de moi l'idée de justifier les excès, les crimes, la barbarie. Mais je crois que l'Histoire - et plus particulièrement la Révolution française, sur laquelle se fondent les valeurs de notre république - ne peut s'appréhender ainsi. On ne peut donner vie à un acteur ou rendre compte d'un moment historique sans les inscrire dans le champ plus large dont ils ressortent pour jouer uniquement sur  le registre de l'émotion.
Alors on me rétorquera qu’il s’agit de fiction. Certes. Mais une fiction qui donne lieu à une lecture particulière des événements.

Bon, finalement - et ça aussi c'est très rare - je ne suis pas beaucoup plus avancée à la fin de ma chronique...
Ce livre reste une illustration de la manière dont l'Histoire peut devenir matière littéraire, ce qui est une question que je trouve passionnante et que posent de nombreux écrivains, de Laurent Binet à Eric Vuillard, en passant par Olivier Guez ou Javier Cercas, et à laquelle ils apportent des réponses extrêmement diverses et riches. De quoi alimenter le débat !
Et vous, qu’en pensez-vous ?

6 commentaires:

  1. Je me laisserais volontiers tenter, ayant souvent regardé cette toile aux Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles.

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    1. Quoi qu'il en soit, cette lecture apporte incontestablement un éclairage intéressant sur cette toile.

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  2. C'est nécessaire aussi de montrer cet aspect-là de la révolution, qui a quand même été extrêmement sanglante. Je ne connais de Marat que cette fin violente ; à l'occasion, je n'hésiterai pas à le prendre à la bibliothèque.

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    1. Oui, mais on ne peut pas non plus la circonscrire à cet aspect-là. En tout cas, même si j'ai trouvé le roman intéressant et très bien écrit, encore une fois ça m'a un peu gênée.

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  3. Réponses
    1. J'avoue que ça m'intéresserait d'avoir ton regard sur ce livre...

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