François-Henri Désérable
Gallimard, 2017
Grand prix de la littérature de la ville de Saint-Etienne
Ce livre m’est tombé dessus comme ça, sans prévenir. Déjà, j’avais eu envie de lire Evariste (singulier personnage de mon siècle de prédilection) et Tu montreras ma tête au peuple (rapport à la Révolution). Et puis... Et puis, on en est tous là, on n’arrive pas à tout lire...
Et voilà que François-Henri Désérable est passé à La Grande Librairie, que je regarde de plus en plus souvent, avec mon fils aîné (même si je ne suis pas fan de Busnel, on adore écouter les écrivains, pelotonnés l’un contre l’autre sur le canapé). Bref ! On a tous les deux craqué sur ce jeune auteur.
Pourtant, cette fois, le sujet ne m’attirait pas plus que cela. J’avoue n’avoir jamais lu Romain Gary. Mais l’écriture de Désérable m’a tout de suite enchantée. A la fois légère et pleine de profondeur, aux allures de conversation amicale et pourtant très littéraire. Il m’a embarquée avec grâce dans sa drôle d’histoire...
Mais l’histoire de qui, au fait ? La sienne ou celle de Gary ? L’histoire d’un lecteur ou celle d’un auteur ? Une histoire inventée ou une histoire réelle ? Il faut dire qu’avec la littérature, on ne sait pas toujours exactement où on est... surtout quand on croise la route de Romain Gary !
Lorsqu’il débarque à Vilnius, un jour de mai 2014, François-Henri Désérable, auteur et narrateur du livre - si l’on peut pour une fois se risquer à les confondre, c’est bien ici -, tombe à la suite d’un enchaînement de circonstances pour le moins romanesque sur un immeuble portant une plaque commémorative qui le frappe de stupeur : le voici devant l’immeuble où vécut Romain Gary enfant, celui qu’il évoque dans La promesse de l’aube. Aussitôt, une phrase surgit du fond de sa mémoire : «Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny.»
C’est que ce roman est l’un de ceux qui firent du jeune homme un lecteur. Vous voyez ce que je veux dire ? Le livre qui le fit irrévocablement tomber dans les filets de la lecture. Le livre qui lui révéla l’existence d’un monde d’une infinie liberté. Ce livre, il l’a lu et relu, en diverses circonstances de sa vie. Il est son ancre, celle qui lui permet peut-être de ne jamais se perdre, où qu’il se trouve et quoi qu’il vive...
Alors il décide de mener l’enquête, de retrouver la trace de ce M. Piekielny, à qui Romain Gary, qui n’était encore que Roman Kacew, avait promis un jour qu’il témoignerait de son existence auprès des grands de ce monde lorsqu’il les rencontrerait. On suit alors toutes les péripéties de cette patiente recherche, qui va avant tout le mener à s’interroger sur ce qu’est la littérature, sur le rapport que Gary entretenait avec elle et sur son propre rapport à elle.
Tout ce que nous raconte Désérable est-il vrai ? Sa mère ressemble-t-elle tant à celle de Romain Gary ? La promesse de l’aube était-elle la seule œuvre qu’il avait lue pour l’épreuve du bac français et fut-il réellement interrogé dessus, lui évitant ainsi le naufrage annoncé ? A-t-il vraiment rencontré une vieille Lituanienne qui lui assura avoir connu M. Piekielny, elle qui avait lu aussi les livres de Romain Gary ? Crut-il réellement avoir vu au Louvre le tableau fictif dépeint par Pierre Michon dans Les Onze ? Et certains de ses propres lecteurs lui affirmèrent-ils qu’ils se souvenaient du fameux numéro d’Apostrophe qu’il relate dans son livre, ainsi qu’il le raconta chez Busnel ? Tout cela est-il vrai ? Ou bien le personnage de Gary l’influença-t-il au point de se jouer de nous à son tour, comme Gary mystifia en son temps ses lecteurs ?
A vrai dire, je n’en sais rien, et peu importe. Une chose est sûre, c'est que j'ai eu envie de le croire, que je l'ai cru, et seul compte le plaisir que j'ai eu à le suivre. Comme je le disais à mon fils cadet qui voulait que je lui raconte de quoi il était question dans ce livre, les écrivains s’emparent du monde pour le transformer et nous inviter à le regarder différemment. "Mais ce sont des magiciens !", me répondit-il! Oui, et c’est pour ça qu’on les aime !
J'espère bien que tu as lu Les onze!
RépondreSupprimerNon, pas encore. Mais ces derniers temps, cela fait plusieurs fois qu'il croise mon chemin... Je crois qu'il va vraiment falloir que je lui fasse une place dans ma PAL !
SupprimerMoi non plus je n'ai jamais lu Gary. Sans doute pour cela que ce roman ne m'attirait pas du tout. Ton avis me prouve qu'il n'est pas nécessaire de connaître son oeuvre pour apprécier ce texte ;)
RépondreSupprimerNon, absolument pas. Et je te dirais qu'au contraire ce livre a même donné envie à Ulysse de lire La promesse de l'aube. :-))
SupprimerJe suis très attirée par la lecture du livre et son auteur que j'ai vu chez Busnel . Romain Gary est un personnage romanesque et bien de son temps , qui a séduit notre génération comme Camus, les Racines du Ciel la vie devant soi ...et d'autres titres nous ont séduits car ils nous disaient d'ne manière sensible, les transformations profondes de la société auxquelles nous avions le désir de contribuer, tout le monde ne peut pas être dans la révolution permanente et la lutte des classe!!
RépondreSupprimerPlus ça va, plus je regrette d'avoir fait l'impasse sur la littérature du XXe siècle. Mais je crois que j'avais envie de sortir de ce siècle dans lequel j'étais née pour aller chercher ailleurs, plus loin, en particulier dans les textes du XIXe, une autre manière de voir les choses.
SupprimerAujourd'hui, avec le recul, et grâce à tous ceux qui écrivent aujourd'hui dans le sillon des grands auteurs du XXe, je ressens de plus en plus cette méconnaissance comme une lacune. Mais il ne tiendrait qu'à moi de la combler !
Ah je viens de le finir, et je bute un peu sur mon billet parce que je ne sais pas vraiment quoi en penser... Mais j'adore les deux denières phrases de ton billet !
RépondreSupprimerMoi aussi ! Quand Antonin m'a dit ça après que je lui aie raconté de quoi parlait le livre, j'ai trouvé ça extra ! C'était d'ailleurs un excellent moment que j'ai passé avec lui. Cela te surprend-il si je te dis que j'adore parler littérature avec mes enfants ? :-))
SupprimerBen, s'il me tombe aussi entre les mains, je me souviendrai de ton billet ! ;-) (et moi non plus, je n'ai pas lu Romain Gary)
RépondreSupprimerJe te souhaite vraiment qu'il te "tombe entre les mains", alors. ! Parce que c'est vraiment une très jolie lecture !
SupprimerJe viens de le lire moi aussi: gros coup de coeur! Beaucoup d'humour et de tendresse... Je n'ai pas lu Gary: c'est à mon programme...
RépondreSupprimerOui, humour et tendresse. Et il est certain qu'il donne envie de lire Gary :-)
SupprimerTu n'as pas lu "la promesse de l'aube" ? ce n'est pas possible ça, mets-le impérativement à ton programme. Je ne voulais pas lire "Un certain M. Piekielny" justement pour ne pas abimer le souvenir que j'ai de la "promesse de l'aube", mais je vais peut-être finir par me laisser convaincre.
RépondreSupprimerOuh là là, mais c'est que je me ferais engueuler :-D
SupprimerAlors, voici ce que je te propose : tu lis M. Piekielny et je lis La Promesse ! Et je suis certaine qu'il n'abîmera pas ton souvenir. C'est une belle lecture du roman, une variation autour de ce livre. C'est surtout la déclaration d'amour d'un écrivain - doué - à l'un de ses aînés auquel il doit beaucoup. Et ouis il a vraiment une jolie plume.
j'ai été conquise par son intervention à LGL, tout comme toi! J'adore Gary et j'aimerais relire La Promesse de l'aube avant la sortie du film... et puis, j'aimerais découvrir ce roman aussi. (tout ça est assez utopique vu le peu de temps que j'aurai en décembre...)
RépondreSupprimerC'est sûr, on n'a pas assez de temps pour lire ! Mais celui-ci, essaye quand même de lui faire une petite place, tu ne le regretteras pas :-)
SupprimerMais quelle merveilleuse chronique ! Tu me donnes envie là ... quoique je n'aie pas lu la fameuse "Promesse de l'aube", j'adore les romans qui parlent d'écrivains, d'enquêtes, de lecture ... Je le note !
RépondreSupprimerMais tu as vu : moi non plus je n'ai pas lu La promesse. Ce n'est absolument pas gênant ! Ce roman est un pur délice :-))
SupprimerEt je suis ravie de susciter cette belle envie de lecture !
Beaucoup d'avis rejoignent le tien. J'étais très sceptique au départ... Peut-être lui laisserai-je sa chance cette année. Mais j'attends qu'on le voie moins sur les blogs pour vraiment m'y intéresser. Très bonne année à toi !
RépondreSupprimerMerci pour ton passage et ton message ! Très belle année à toi, avec de belles lectures en perspective ;-)
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