Entretiens

jeudi 14 septembre 2017

La disparition de Josef Mengele

Olivier Guez

Grasset, 2017

Prix Renaudot 2017


Ce livre est l’un de ceux dont on parle beaucoup en cette rentrée et il est d’ores et déjà en lice pour divers prix littéraires. J’avoue que j’étais très intriguée et je me le suis donc procuré dès mon retour de vacances.
Quelques jours après l’avoir refermé, je m’interroge encore à son sujet. Pas sur sa qualité, ni sur son intérêt, qui sont indéniables. La manière dont Olivier Guez retrace la fuite et la vie après la guerre de celui qui perpétra à Auschwitz les pires crimes que l’on puisse imaginer, celui que l’on appelait l’Ange de la mort - ce qui dit assez la cruauté dont il se rendit coupable - est saisissante. Comme l’est la capacité de l’auteur à se glisser dans l’esprit de cet homme pour tenter de comprendre comment, si tant est que cela soit possible, il a pu commettre de telles atrocités.
On le suit donc de 1949, lorsqu’il quitta l’Allemagne, à 1979, date de sa mort, à travers différents pays d’Amérique latine, en particulier l’Argentine, qui se révéla tout à fait accueillante pour les criminels nazis. On découvre tous les soutiens dont de tels personnages purent bénéficier - familiaux, réseaux de sympathisants - mais aussi comment l’évolution de la situation politique internationale put leur permettre d’échapper à la traque dont ils faisaient l’objet. C’est extrêmement documenté et tous les éléments sont présentés avec autant de clarté que de cohérence.

En fait, c’est bien cela qui me pose question : j’avais davantage l’impression de lire un document qu’un roman - qui est quand même le terme apposé sur la couverture. En le lisant, je ne cessais de me demander en quoi ce livre était bien un roman. Sans doute dans la liberté que s’est accordée Olivier Guez d’imaginer des dialogues, de reconstituer des scènes de la vie quotidienne de Mengele, de restituer ses pensées, ses peurs. Autant de licences que ne s’autoriserait guère un historien... Et c’est ce que que j’ai particulièrement apprécié : cette tentative pour entrer dans la tête d’un homme afin de saisir la manière dont on peut justifier de la barbarie. Car Mengele n’a jamais manifesté le moindre remords, bien au contraire. Il n’a jamais cessé de prétendre qu’il avait accompli une mission au nom d’une raison supérieure, celle de la pureté de la race. Et cette attitude, cette persévérance dans l’horreur, même après que le régime qui commanda ces crimes eût été vaincu, sont sans doute aussi terrifiantes que les crimes eux-mêmes. D’autant plus terrifiantes, nous rappelle Guez dans les dernières lignes de son livre, qu’à tout instant, si l’on n’y prend garde, peuvent surgir des âmes noires prêtes à justifier et perpétrer à nouveau ces horreurs...

Au bout du compte, et si l'on pourrait disserter des jours sur les contours de ce genre littéraire, je me dis que si ce récit n’avait pas été estampillé «roman», je ne l’aurais sans doute pas lu... et, très honnêtement, ça aurait été dommage. Mais j'avoue que je me ferais un plaisir, si l'occasion m'est donnée, d'aller titiller l'auteur sur cette question !


Voir aussi les avis d'Eva et de Virginie

14 commentaires:

  1. J'ai entendu l'auteur dès les premiers jours de la parution ; je ne me souviens plus si on lui posait la question qui te tracasse (et moi aussi). Je le lirai tôt ou tard et je le lirais aussi même s'il était estampillé document.

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    1. Mais c'est toi qui as raison, Aifelle. Tu es beaucoup moins sectaire que moi !

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  2. Pareil, j'aime beaucoup les documents.

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    1. Non, mais j'ai un peu forcé le trait ;-) Ça reste quand même un roman. Très intéressant et très documenté.

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  3. pour moi ce livre ne peut qu'être classé dans les romans car l'auteur imagine les ressentis de Mengele, lui prête des sentiments... Comme toi je ne pense pas que je l'aurai lu s'il avat été classé en documen, ce qui aurait été fort dommage..

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  4. je le lirai peut être mais la forme à mi chemin de ...me gêne un peu et me rend perplexe, j'ai du mal lorsqu'un auteur ne fait pas vraiment le choix
    je note par contre l'intérêt du livre que tu soulignes

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    1. Non, ça reste un roman et assumé comme tel. C'est une lecture qui vaut la peine.

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  5. Voilà un "roman" qui m'intrigue depuis sa sortie.

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    1. Eh bien, fais comme moi : lance-toi ! Quand on tourne autour d'un roman, il faut finir par y aller...

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  6. Il faut absolument que je me le procure celui-ci, après avoir fait descendre un peu ma pile mais à voir vos avis enthousiastes, je ne suis pas sûre d'attendre... Faiblesse quand tu nous tiens.

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  7. Il a le vent en poupe ce bouquin ! J'hésite encore...

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    1. Oui, on en parle beaucoup, c'est vrai. Sans être, pour moi, le plus grand livre de la rentrée, il est néanmoins extrêmement intéressant.

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