Entretiens

dimanche 27 août 2017

Comme une rivière bleue


Michèle Audin

L’Arbalète, 2017



Où Michèle Audin nous invite à écouter «le murmure de [la] révolution qui passe»...

Ce livre-là, je ne pouvais évidemment pas passer à côté, les mots qui lui donnent son titre étant empruntés à Vallès qui, dans L’Insurgé, évoquait en ces termes la révolution « tranquille et belle » en train de s’accomplir.

Le plaisir fut immédiat : retrouver l’écrivain que j’ai côtoyé tant d’années durant sous les traits d’un personnage de roman et relire ici ou là ses propres mots avaient pour moi une saveur unique. En lisant, je sentais le sourire se dessiner sur mes lèvres...
Alors c’est vrai, je suis entrée dans ce texte par une porte un peu particulière. Mais, indépendamment de cela, il s’agit d’un très beau texte, émouvant, plein de vie et de vitalité. 

Que sait-on aujourd’hui de la Commune ? Imagine-t-on le bain de sang que connut Paris à l’issue des soixante-douze jours qu’a duré ce fol espoir et cette rage à vouloir renverser l’ordre établi pour rendre au peuple sa dignité et mettre un peu de justice où il n’y en avait pas ? Loin de figer l’événement dans un continuum historique et de tenter d’en faire l’analyse, Michèle Audun tente simplement de récréer par ses mots l’atmosphère qui régnait alors, dans un exercice qui n’est pas sans me rappeler le très beau 14 Juillet d’Eric Vuillard. Elle redonne vie à ceux dont l’Histoire n’a pas retenu les noms, ceux qui furent massacrés par milliers, ceux qui furent humiliés et contraints au silence. 
Et qu’était la vie de ces cordonniers, de ces couturières, de tous ces humbles qui s’échinaient à travailler encore et encore pour gagner tout juste de quoi ne pas mourir ? Des vies de labeur incessant qui, subitement, s’ouvraient sur autre chose. Il faut imaginer ces soixante-douze journées durant lesquelles on pouvait aller au concert, fût-ce en entendant les détonations retentir aux portes de Paris, ces soixante-douze journées au cours desquelles on pouvait songer à autre chose qu’à subsister, songer à s’aimer, songer à construire une société où règnerait au moins un peu d’équité et de justice, ces soixante-douze journées où l’on put se prendre à rêver d’un monde enfin meilleur.

Car oui, il s’agissait bien d’un rêve. Ces hommes et ces femmes, pour la plupart, n’étaient pas prêts, et la désorganisation était complète. Tout est allé si vite... 
En nous entraînant avec son narrateur dans une déambulation parisienne, Michèle Audin nous offre le spectacle de la sublime ferveur que connut fugitivement le peuple parisien. Elle nous révèle aussi combien il paya cher l’audace de ce rêve, tant l’acharnement des Versaillais à le salir fut sans limites.

S’appuyant sur les quelques témoignages que certains des protagonistes purent donner par la suite, Michèle Audin livre un texte empreint d’humanité qui rend un magnifique hommage à ceux que l’histoire officielle voulut longtemps oublier. Un texte qui invite aussi, pourquoi pas, à (re)lire les œuvres d’un auteur qui m’est cher et qui connut un si long purgatoire...


10 commentaires:

  1. J'ai lu un article sur ce livre dans Page des libraires et l'ai noté aussitôt. J'ai pensé aussi à 14 juillet... Ton avis me confirme que je peux le lire !

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  2. Vallès : jamais lu, je devrais

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  3. C'est si rare un livre sur la Commune ! je note tout de suite. (j'ai lu Vallès trop jeune, il faudrait que je relise)

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    1. Deux excellentes lectures grâce à un seul billet, c'est tout bénéf !
      ;-)

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  4. Un sujet qui me passionne depuis toujours, je ne vais pas passer à coté !

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  5. Je crois que si j'étais l'auteur de ce livre, je serais infiniment bouleversé et pleinement heureux de l'article que je viens de lire.
    Vous avez souligné combien malgré la misère, la pauvreté, ce peuple de Paris a pu montrer de noblesse et de courage. Certaines de leurs mesures feraient encore pâlir aujourd'hui...
    Michel Audin a écrit là un texte exaltant, qui n'est pas du côté de la fresque (l'histoire des grands hommes) mais du roman (l'histoire de ceux dont l'Histoire n'a pas retenu les noms).
    Merci d'avoir si bien défendu se grand livre, qui, il est vrai donne immédiatement l'envie d'aller se replonger dans Vallès, Courbet et les autres.

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    1. Que ça me fait plaisir de vous retrouver ici ! Et ça me fait penser que je m'étais promis d'aller sur le blog que consacre l'auteure à la Commune de Paris... ce qui m'était totalement sorti l'esprit. J'adorerais la rencontrer et pouvoir discuter avec elle. Je suis certaine que nous aurions plein de choses à nous dire... :-)

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