Les origines de l’amour
Kishwar Desai
L’Aube, 2014
Traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne
Un roman traitant d'une question qui agite fortement nos sociétés: celle de la gestation pour autrui.
Il est assez rare que je lise deux polars à la suite. Mais le hasard m’a mis Le jardin de bronze et Les origines de l’amour au même moment entre les mains et, pour des raisons différentes, je devais les lire rapidement (le premier pour le rendre ensuite à la personne qui me l’avait prêté, le second parce que l’ayant reçu dans le cadre d’une opération Masse critique de Babelio, j’avais un mois pour en faire la critique).
Si j’avais sélectionné Les origines de l’amour parmi tous les ouvrages proposés par Babelio, c’est parce que j’ai une forte inclination pour la littérature indienne. Bien que je n’aie jamais mis mis les pieds sur ce sous-continent, j’avoue être assez captivée et séduite par cette culture hors du commun !
Or, plus qu’une immersion dans ce pays, ce livre nous propose de découvrir le monde de la gestation pour autrui et les juteux bénéfices que celle-ci peut générer. De ce point de vue, la quatrième de couverture - que je n’avais pas lue au préalable - est sans ambiguité. De Delhi et Mumbay à Londres, ce roman met le doigt sur une organisation mondialisée capitalisant à la fois sur des désirs qui peuvent apparaître comme légitimes - celui d’avoir un enfant - et le profond dénuement d’une population qui se trouve réduite à louer son ventre, voire fournir ses ovocytes, pour pouvoir satisfaire à ses besoins élémentaires.
Si j’ai été un peu frustrée par le fait que le roman ne produise pas vraiment un portrait de l’Inde - de nombreux protagonistes sont européens et une bonne partie du roman se déroule à Londres - il faut bien avouer que le contexte économique et politique de ce pays favorise l’intolérable exploitation humaine que la gestation pour autrui entraîne inévitablement. En effet, la corruption et l’extrême pauvreté rendent possibles tous les excès que l’on peut redouter et que d’autres pays s’efforcent de contenir par une législation encadrant strictement ces pratiques.
En Inde, comme dans d’autres pays du reste, il est possible de faire porter un enfant par une tierce personne contre rémunération. Les futurs parents peuvent choisir la femme qui portera leur enfant et fournira éventuellement ses ovules comme sur un catalogue : taille, couleur des cheveux ou de la peau, niveau d’études, religion...
Les candidates semblent se bousculer au portillon, soit parce que cette activité leur permet de gagner ce qui leur apparaît comme une importante somme d’argent dont elles ont besoin pour faire soigner un membre de leur famille ou élever leurs enfants, soit parce que leurs propres mari y voient une opportunité d’enrichissement aisément accessible...
Mineures enchaînant les grossesses, femmes accouchant par césarienne pour rentrer dans les exigences de plannings des parents commanditaires, containers d’embryons séquestrés par une police peu scrupuleuse qui en marchande ensuite la délivrance ou conditions de «recrutement» des mères porteuses, le roman met en scène une gamme de situations toutes plus révoltantes les unes que les autres.
En postface, l’auteur nous assure que tout ce qu’elle a mis dans son roman est vrai... et on n’en doute guère !
Le livre se lit bien, même si je ne l’ai pas littéralement dévoré. Mais ce qui est certain, c’est qu’il a le mérite de nous mettre en garde contre tous les excès de la gestation pour autrui et ne fait que renforcer le bien-fondé d’un encadrement législatif très strict de ces pratiques. Et achève de nous convaincre de la nécessité de proscrire toute forme de transaction financière.
A l’heure où la Cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner la France pour son refus de transcrire à l’état civil la filiation des enfants français nés de gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, relançant ainsi une polémique aux vastes ramifications, ce roman apporte un précieux éclairage.
Je remercie les Editions de l'Aube et Babelio de m'avoir permis de le lire.
Vaste sujet en effet où l'on retrouve immanquablement les riches qui oppriment les pauvres sans vouloir le regarder en face. Tout cela au nom d'un "droit" à l'enfant, réduit à l'état d'objet. Je ne sais pas si je le lirai, c'est un thème qui me met en colère (comme tout ce qui touche au trafic sur les êtres humains, sous quelque forme que ce soit).
RépondreSupprimerCe qui est montré dans ce livre ne peut que susciter colère, indignation et révolte.
SupprimerIl est certain que seuls des accords internationaux, qui soient respectés de part et d'autres, pourraient éventuellement si ce n'est éradiquer, au moins limiter toute forme d'exploitation humaine. Mais ça, malheureusement, c'est de l'utopie.