La servante et le catcheur
Horacio Castellanos Moya
Métailié 2013
Traduit de l'espagnol (Honduras) par René Solis
☀
Servi par une écriture efficace, ce récit saisit le lecteur au collet pour le transporter dans une dictature d'Amérique latine.
Ce livre a la précision du documentaire.
Il se veut froid, distant, incisif.
L’auteur nous projette, sur une période très courte de 48 heures, dans une dictature d’un pays d’Amérique latine. Il s’agit du Salvador, mais ce pourrait être n’importe quel pays de cette partie du monde.
Il ne nous prépare pas à ce qu’il va nous dévoiler. Dès les premières lignes, il nous met de manière très brutale en présence des protagonistes: le Viking, la Grosse, les découpeurs. Leurs noms sont d’emblée agressifs. Les dialogues sont violents, les gestes bestiaux, les regards obscènes.
Le Viking est malade. Proche de la mort, il n’est plus en état de mener les opérations dont il avait jusqu’à présent la charge: arrestations et torture. Il pourrit littéralement de l’intérieur, l’état de son organisme apparaissant comme une métaphore de l’état de son pays.
Au cœur de ce cloaque, on découvre un personnage qui a réussi presque malgré lui à préserver une part d’humanité. Maria Elena, modeste femme de ménage vivant sous le même toit que sa fille et son petit-fils, va être amenée à regarder en face les exactions du régime : un jeune couple dont elle connaît la famille et chez lequel elle s'apprêtait à commencer à travailler a été arrêté. Voulant faire tout ce qu'elle croit être en son pouvoir pour sauver ces jeunes gens, elle entre en contact avec le Viking, qu'elle a autrefois connu, afin d'obtenir des informations.
En approchant ainsi au plus près des bas fonds du régime, elle s'aperçoit que son propre petit-fils en est un opposant actif. Se tenant elle-même à l'écart de la politique, elle se croyait jusqu'alors à l'abri des menaces qui pèsent sur la population. Désormais, elle se met à craindre pour la sécurité et la vie de celui qu'elle chérit tendrement.
Les destins se croisent, les personnages se révèlent les uns aux autres et tous se trouvent confrontés d'une manière ou d'une autre à la violence du régime.
L’auteur ne s’attarde jamais sur les personnages. Il pose un regard distancié qui ne permet pas au lecteur d’éprouver d’empathie. Il entend montrer froidement une situation, sans prendre position, la cruauté de ce qu'il montre devant en elle-même être un plaidoyer.
Ce livre est donc une forme de témoignage, un document. L’écriture précise et froide est efficace.
On perçoit la violence du climat ; on comprend que la terreur n'épargne personne, ni les activistes militants qui flanchent parfois malgré leur courage, ni les individus qui croient pouvoir vivre en se tenant à l’écart des questions politiques, ni même ceux qui acceptent de s’accommoder du régime.
Le récit s'articule parfaitement et on le lit d'une traite. Mais on referme finalement le livre avec un sentiment d’inachevé. On a assisté à des événements, mais tout en s'en tenant à distance. L'horreur de ce qui nous est décrit perd en force en raison même du parti pris narratif de l'auteur. C'est dommage. Le roman aurait sans doute gagné à être plus habité. Sinon, autant lire un récit journalistique. On quitte alors le domaine de la fiction et de la littérature pour un autre type d'écrit.
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