Entretiens

lundi 1 novembre 2021

Vingt ans plus tard

Miguel Angel Hernandez
Globe, 2021


Traduit de l’espagnol par Lise Belperron



Il y a vingt ans, la veille de Noël, mon meilleur ami a tué sa soeur et s’est jeté dans un ravin. 


Des années durant, le narrateur a préféré éviter de revenir sur l’événement qui traumatisa tout un village et dont la presse régionale se fit l’écho. Vingt ans durant lesquels le narrateur s’est éloigné de ses origines, tant géographiques que sociales, devenant un historien de l’art et un écrivain reconnu. Vingt ans au terme desquels ce terrible épisode revenait le hanter et faire la matière d’un nouveau livre.


Celui-ci mettra pourtant longtemps à voir le jour. Avoir accès aux archives judiciaires, renouer avec les proches des protagonistes, mais surtout faire face à son propre effroi, à ses propres questionnements sur son ami le plus proche, il y a là tout un cheminement dont l’auteur ne néglige aucun détail. 


Mais surtout, au fil de l’écriture, la question centrale connaît un déplacement, et là se situe sans doute le véritable coeur du récit. S’agit-il vraiment de mettre le doigt sur les raisons qui conduisirent un jeune homme au crime et au suicide ? Sur une vérité à tout jamais inaccessible ? Ou s’agit-il plutôt de mettre au clair des sentiments ambivalents et contradictoires ? D’éclairer chez l’auteur une douloureuse zone d’ombre ?


Plus qu’une enquête sur un drame familial, Miguel Angel Hernandez nous entraîne dans une intéressante réflexion sur la mémoire et sur l’écriture, et lève le voile sur les errements et les vertiges présidant à la création littéraire. 

Peut-être ce récit n’est-il pas aussi brillant que l’étourdissante Tentative d’évasion à laquelle l'auteur espagnol nous avait invités voici quelques années, mais en s’inscrivant explicitement dans la veine d’un Javier Cercas, d’une Delphine de Vigan ou d’un Emmanuel Carrère, il explore les méandres d’une littérature s’interrogeant sur son propre statut et sur la place de l’écrivain dans sa création. Et ça, personnellement, ça m’intéresse toujours !








4 commentaires:

  1. J'ai encore tellement en mémoire le fabuleux Tentative d'évasion ! Pas sûre de signer pour ce récit-là malgré une certaine envie de lire à nouveau cet auteur.

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    1. Ce n'est que le deuxième roman traduit de l'auteur alors qu'il en a écrit d'autres. J'espère qu'ils finiront pas être traduits. Et même si je dois reconnaître, comme je le dis dans mon billet, que ce roman-là ne me semble pas tout à fait à la hauteur de l'éblouissant "Tentative d'évasion", il ne manque pas d'intérêt. Pour moi, c'est vraiment un auteur à suivre.

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