Olivier Rolin
Illustrations d’Erik Desmazières
Le Seuil, 2015
Quelques pages de poésie pour se tenir un instant à l'écart de la fureur du monde.
Un jour, il y a déjà fort longtemps, j’ai lu un livre qui m’a éblouie, qui a changé ma relation à la littérature et a, par là-même, changé ma vie. Ce livre c’était - ce n’est pas un scoop pour certains d’entre vous qui le savez déjà ! - L’invention du monde, d’Olivier Rolin.
Depuis, je lis tout ce que cet extraordinaire écrivain publie. Tout.
Et comme son talent est tel qu’il a la capacité d’écrire des textes très différents les uns des autres, il m’entraîne sur des chemins que je n’aurais certainement jamais empruntés sans lui.
Ce nouveau titre en est une illustration parfaite : des textes courts, sur des objets du quotidien, de ceux auxquels on ne prête généralement aucune attention ; des natures mortes en somme - un genre auquel Olivier Rolin fait explicitement référence, puisqu’il convoque des artistes ayant mis en scène les éléments qu’il dépeint.
Il s’inscrit ouvertement dans le sillage de Francis Ponge, qui n’évoque pour moi, je le confesse, que quelques laborieux souvenirs de mes premières années d’études, qui ne comptent pourtant dans l’ensemble que des souvenirs de bonheur et d’épanouissement sans égal. Bref, autant dire que l’exercice ne suscitait pas d’emblée chez moi un enthousiasme débordant...
Oui, mais voilà, les mots et la langue d’Olivier Rolin sont pour moi d’une telle beauté, d’une telle intensité et d’une telle richesse qu’il pourrait écrire n’importe quoi, je le suivrais sans sourciller !
Or, par la démarche clairement poétique qu’il affichait dans ce projet d’un genre chez lui inédit, il était évident que l’écrivain allait particulièrement ciseler ses phrases, choisir ses mots pour faire résonner leur sonorité à mes oreilles. L’ambition était de donner corps aux objets par le seul pouvoir des mots, tout comme l’artiste auquel il s’est associé allait le faire avec la mine de son crayon.
Et surtout, je ne pouvais absolument pas passer à côté de ce livre posé d’emblée comme un contrepoint à L’invention du monde. Dans sa préface, Olivier Rolin affirme qu’a présidé à la rédaction de ce recueil le même orgueil que celui qui avait commandé la démesure de son oeuvre vingt ans auparavant. C’est cette folie, cette magnifique présomption qui m’avait attirée puis conquise... Et voilà qu’il réitérait le défi !
Après avoir façonné l’immensité, l’inaccessible, le mouvement incessant, après avoir ordonné l’apparent chaos du monde, il s’attaquait désormais à notre univers dans sa dimension la plus familière et la plus immuable.
A chacun de juger du résultat selon sa sensibilité.
En ce qui me concerne, j’avoue que je préfère voir l’écrivain porter son regard sur des horizons lointains et sonder notre histoire et notre société.
Mais j’admire son talent protéiforme et sa capacité à me surprendre, toujours, en refusant de s’enfermer dans le confort d’une forme maîtrisée et indéfiniment répétée. Et j’y vois là encore la marque d’un grand écrivain !