vendredi 5 novembre 2021

L’origine du mal

José Carlos Somoza
Actes Sud, 2021


Traduit de l’espagnol par Marianne Millon



Les écrivains espagnols entretiennent un rapport étroit avec leur histoire récente, et s’ils ancrent leurs récits dans l’époque actuelle, c’est souvent pour en plonger les racines dans le sombre passé de la dictature. Mais peut-être ne s’agit-il dans le fond que d’un tropisme personnel qui me conduit précisément vers ces textes-là… Quoi qu’il en soit, le roman de Somoza opère ce mouvement de balancier entre les années 1950 et la fin des années 2010.


Il s’ouvre en effet de nos jours à Madrid : un manuscrit a été confié par un mystérieux émissaire à un libraire marocain, charge à lui de le lire dans les vingt-quatre heures et de le confier à un écrivain susceptible d’en apprécier la qualité. Alors que l’Espagne est encore traumatisée par les récents attentats de Barcelone et que trois jeunes filles viennent d’être enlevées par ce qui pourrait être des terroristes islamistes, le récit relate sur un mode autobiographique la vie - et surtout la mort - d’un militaire phalangiste envoyé après guerre dans le protectorat marocain qui manifeste alors des velléités d’indépendance. 

On est ainsi invité à suivre le parcours de ce jeune homme au sein des missions diplomatiques, des services secrets, à observer ses relations avec sa hiérarchie ainsi que le trouble jeu des alliances et des trahisons… 


Ce récit s’enchâsse dans le dialogue mené entre le libraire et l’écrivain s’interrogeant sur l’identité de l’auteur et la nature du rôle que l’on veut leur faire jouer, mais aussi sur le climat de défiance régnant dans leur pays à l’égard des populations d’origine arabe, pour nous mener vers une résolution bien inattendue.  


Si j’ai parfois manifesté un peu d’impatience à la lecture du récit secondaire qui constitue la plus large partie du roman, j’ai en revanche été séduite par la manière dont Somoza joue sur le statut de l’écriture - jusqu’au bout on s’interroge sur l’énigme d’un auteur prétendument mort écrivant sur les conditions de son décès - et la manière dont il finit par nouer les fils des deux récits et des deux temporalités. 


Peut-être faut-il s’intéresser d’assez près à l’histoire coloniale du Maroc et à ses relations avec l’Espagne - ce qui est assez pointu - pour pleinement apprécier ce livre, mais sa construction et le rôle central qu’il attribue à l’écrit en fait néanmoins une lecture attrayante et stimulante.


6 commentaires:

  1. Le livre dans le livre, c'est tendance en ce moment... bon, je verrai plus tard peut-être...

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    1. Ah oui ? En tout cas, c'est un procédé assez classique.

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  2. Trop longtemps que je n'ai pas mis le nez dans la littérature espagnole. Ce serait peut-être l'occasion...

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    1. Figure-toi que je m'étais fait exactement la même réflexion, et je m'en suis envoyé deux d'affilée ;-)

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  3. Comme tu dis que l'intrigue passe au second plan, je ne suis pas tentée.

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