mardi 12 octobre 2021

Un tesson d’éternité

Valérie Tong Cuong
Jean-Claude Lattès, 2021



Il y a ceux qui sont sûrs d’eux. Sûrs de leur position, sûrs de leur capital, de leur avenir, sûrs que rien ne peut leur arriver. Et il y a les autres. Ceux qui sont circonscrits par une condition dont il se savent captifs, ceux qui se sentent en danger permanent. Parfois, pourtant, certains essayent de passer de l’autre côté, à force de volonté, de rage, et de ruse aussi. 


Anna Gauthier a fait ce chemin. Elle a choisi de tourner le dos à ses parents, à son milieu, à son destin. Aujourd’hui pharmacienne, elle est mariée à Hugues, qui fréquente les notables de la région. Ils habitent une belle maison appartenant aux parents d’Hugues, qui leur en ont laissé la jouissance. Leur fils Léo est sur le point de passer son bac avant d’entrer dans une école cotée où il est d’ores et déjà admis.


Mais il peut suffire d’un événement fortuit pour que la vie bascule. Quand la police vient arrêter Léo au petit matin, Anna voit s’effondrer tout ce qu’elle avait bâti et perd rapidement pied. Elle se sent lâchée par ceux qu’elle considérait comme ses amis. Son mari lui-même semble se détourner d’elle pour privilégier ses relations et asseoir sa situation, mise en danger par son propre fils. Tandis que l’enfant qu’elle a choyé et protégé doit développer des stratégies pour ne pas être broyé par le milieu carcéral, Anna se remémore toutes celles qu’elle dut elle-même déployer pour gagner le camp des dominants, qui l'exclut au premier faux-pas. 


Le motif est connu, et nombreux sont les romanciers à avoir jeté une lumière crue sur les déterminismes sociaux. Mais Valérie Tong Cuong ne se contente pas avec ce roman d’ajouter un nouveau chapitre à cette histoire. Elle observe attentivement son personnage pour mettre l’accent sur le sentiment d’imposture qui guette à chaque instant le transfuge de classe et scrute la manière dont l’organisme rejette le corps étranger dès que celui-ci est fragilisé. 

Sa plume est précise, presque clinique. Elle happe son lecteur dès les premières pages et va à l’essentiel avec une redoutable efficacité. Pas d’atermoiements ni de complaisance dans ce portrait de femme que j’ai trouvé pour ces raisons extrêmement convaincant. Et qui m’incitera certainement à lire d’autres textes de cette auteure déjà confirmée, mais que je viens pour ma part seulement de découvrir.

8 commentaires:

  1. J'ai lu une ou deux choses de Valérie Tong Cuong, dont un roman choral, Providence qui m'avait bien plu. Je n'en fais pas une priorité mais si l'occasion se présente, why not ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Franchement, pour moi ce livre a été une des belles découvertes de cette rentrée.

      Supprimer
  2. Ce roman fait partie de ceux, nombreux, repérés, mais pas d'une urgence folle... J'avais beaucoup aimé Par amour, dans le genre roman historique pas mal du tout, et un peu moins Pardonnable, impardonnable...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu vois, je n'en avais moi-même pas fait une urgence, et finalement je trouve qu'il aurait été dommage de passer à côté. Ce livre m'a happée dès les premières pages.

      Supprimer
  3. J'ai lu un roman de l'auteure, qui ne m'avait pas enthousiasmée, mais le thème de celui-ci pourrait me faire revenir vers elle.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai trouvé la façon de l'aborder intéressant, en effet.

      Supprimer
  4. Mes échappées livresques14 octobre 2021 à 10:06

    Comme toi, j'ai beaucoup aimé ce roman. Et de cette auteure je te recommande le superbe Par amour notamment qui fait partie de mes favoris d'elle.

    RépondreSupprimer
  5. Réservé à ma BM, je l'attends avec impatience....

    RépondreSupprimer