jeudi 31 décembre 2020

Je lis donc je suis 2020

On ne présente plus ce petit jeu qui consiste à faire son portrait 
au moyen des titres de livres qu'on a lus durant l'année écoulée. 
Le plaisir est toujours le même !
(Vous pouvez cliquer sur les titres pour découvrir les chroniques associées)




 


Décris-toi

Fille


Comment te sens-tu ?

 Chavirer


Décris où tu vis actuellement…

Dans les geôles de Sibérie


Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? 

Une ville de papier


Ton moyen de transport préféré ?

Le plongeur


Ton/ta meilleur(e) ami(e) est…

Miss Laïla armée jusqu'aux dents


Toi et tes amis vous êtes…

L'autre moitié de soi


Comment est le temps ?

Noir de soleil


Quel est ton moment préféré de la journée ?

Les nuits d'été


Qu’est la vie pour toi ?

La grande épreuve


Ta peur ?

Le grand vertige


Quel est le conseil que tu as à donner ?

Yoga


La pensée du jour…

Love me tender


Comment aimerais tu mourir ?

La grâce


Les conditions actuelles de ton âme ? 

Ce qu'il faut de nuit


Ton rêve ?

Et la vie reprit son cours




A l'année prochaine pour de nouvelles lectures !

mercredi 30 décembre 2020

La grâce

Thibault de Montaigu
Plon, 2020


Prix de Flore 2020




Qu’est-ce qui peut bien mettre un homme jeune, ne jurant que par la vie nocturne, le sexe, l’alcool et autres paradis artificiels, sur la voie de la foi ? D’où vient la révélation ? Comment se manifeste-t-elle ?

J’avoue que ces questions me laissaient franchement indifférente, voire, venant d’un fils de bonne famille, un peu narquoise. Mais - grâce en soit rendue à la radio de service public - l’enthousiasme unanime des critiques du Masque et, surtout, une interview de l’auteur lui-même m’ont finalement incitée à m’y intéresser.


Car si l’auteur, par son milieu et son histoire, se situe à des années lumière de moi, ce que je l’ai entendu dire de la littérature rejoignait vraiment certaines des idées que j’en ai. A savoir que si le roman était le grand genre du XiXe et du XXe siècle, il avait aujourd’hui cédé la place à une forme de récit mettant l’expérience intime de l’auteur au coeur du processus d’écriture, et que de cet intime pouvait surgir une dimension universelle propre à toucher le lecteur. 

Alors en quoi cette soudaine révélation de l’existence divine pouvait-elle atteindre la personne profondément athée que je suis ? Je ne demandais qu’à le découvrir…


Cette révélation n’est pas arrivée après une nuit de débauche, alors qu’une aube pâle surprenait celui qui s’en retournait chez lui dans l’espoir d’échapper à la terrifiante banalité des jours. Non, c’est un homme ayant déjà perçu l’abîme dans lequel il s’enfonçait qu’elle a surpris. Un homme marié et père d’un jeune enfant, un homme ayant « tout pour être heureux ». Mais qui ne l’est pas. Un homme s’interrogeant sur le sens de son existence, cherchant une raison de la poursuivre. Et qui à la faveur d’une quête, ou plutôt d’une enquête sur Xavier Dupont de Ligonnès qui avait subitement largué les amarres dans le sang et les larmes, en suivant ses traces dans une abbaye, qu’il s’est senti entrer en contact avec Dieu. Une expérience dont le caractère soudain et imprévisible l’amène à s’intéresser à l’un de ses oncles, Christian, dont le parcours semblait faire écho au sien. 


C’est sur les pas de cet oncle disparu qu’il va désormais marcher. Pour retracer son cheminement de dandy ayant vécu une homosexualité à la fois cachée et totalement débridée avant d’entrer dans l’ordre des franciscains, le plus austère qui soit.

Thibault de Montaigu a interrogé sa famille, les amis et connaissances de son oncle, s’est rendu sur les lieux que celui-ci fréquenta, scrutant chaque détail de son existence pour en dessiner les contours le plus précis possible et tenter de répondre à la question qui le taraude : quel sens donner à ce retournement ? Quel sens donner à sa vie ? Et, finalement, quel chemin emprunter pour que celle-ci, aussi humble soit-elle, ne reste pas vaine ?

Une question que Thibault de Montaigu aborde et explore avec grâce et élégance. Une question que l’on se pose tous un jour ou l’autre, plus ou moins crûment, de manière plus ou moins vertigineuse, avec plus ou moins d’obstination. Non ?

dimanche 27 décembre 2020

Liv Maria

Julia Kerninon
L’Iconoclaste, 2020



Liv Maria Christiansen est une jeune femme née sur une île bretonne, d’une mère du cru et d’un père norvégien. Cette enfant aimée et choyée vit une enfance heureuse et libre jusqu’à ce qu’elle subisse une agression sexuelle. Nous sommes en 1987, Liv Maria a dix-sept ans, et sa mère décide alors de l’envoyer en Allemagne, à Berlin, où vit l’une de ses soeurs. Ce déracinement n’est que le premier d’une vie faite d’exils volontaires et de rencontres, et dont la liberté se veut la valeur cardinale.


Une fois ce résumé posé, que dire de ce roman ? Qu’il est agréable à lire ? Certes. Mais après ? Le bandeau évoque une héroïne digne de Phèdre, Jane Eyre et Anna Karénine (au moins l’éditeur a-t-il eu un éclair de lucidité en ne mentionnant cette prestigieuse généalogie que sur la face arrière). Si ces lectures sont pour moi désormais lointaines, elles possèdent dans mon souvenir un souffle et une profondeur que je n’ai pas retrouvées ici. Le récit m’a semblé lisse. Terriblement, désespérément lisse. Et quelques semaines après l’avoir achevé, les traces s’en effacent déjà de mon esprit.


Quant à la réflexion sur le regard posé par les hommes sur le corps des femmes et leur manière d’en disposer que j’ai cru entrevoir à la fin du roman, si tel était le projet de la jeune écrivaine, eh bien cette réflexion me semble bien timide, surtout bien en-deçà de tout ce que l’on peut désormais lire sur la question.


C’était pour moi une seconde tentative avec Julia Kerninon qui s’est déjà attiré les faveurs d’un public fidèle et enthousiaste, et dont la voix récemment entendue dans une émission de radio m'avait à la fois séduite et suffisamment convaincue pour réitérer l'expérience. Je reste décidément en marge. Tant pis…


dimanche 6 décembre 2020

Le coeur synthétique


Chloé Delaume
Le Seuil, 2020


Prix Médicis 2020



Chloé Delaume. Voilà un nom que j’entends depuis plusieurs années. Un nom qui, au fil du temps, a su se faire une place dans le paysage littéraire. Le nom d’une écrivaine atypique, à la plume très personnelle, versée dans l’expérimentation littéraire pour ce que j’en savais. 

Cette année, avec son nouveau roman, elle fait particulièrement parler d’elle. Invitée sur les chaînes de radio et les plateaux télé, elle a pu révéler une personnalité intéressante et attachante. A tel point que je me suis réjouie de lui voir attribuer le récent prix Médicis. Et j’ai pensé alors que le moment était venu de faire plus ample connaissance. Même si… Même si ce livre de facture plutôt classique apparaissait de son propre aveu comme un ovni dans sa production littéraire…


Alors c’est peu de dire que j’ai pris une douche froide ! Heureusement que le roman est bref, car à le lire je me suis mortellement ennuyée. L’histoire de cette brave Adélaïde réalisant que passé quarante-cinq ans une femme devient socialement transparente n’a franchement pas grand intérêt, sans compter que c’est devenu un véritable poncif. C'est bien pourquoi le traitement de cette question tout à fait pertinente nécessite à mes yeux un peu plus de profondeur. Quant à la peinture du monde de l’édition dans lequel elle travaille, si elle m'a bien arraché un ou deux sourires, elle m’est apparue elle aussi prodigieusement plate et convenue.


Certes, par la construction de ses phrases, Chloé Delaume installe une rythmique qui donne à son texte un peu de relief. Mais cela ne suffit pourtant pas à définir une poétique ni à faire oublier le peu d’épaisseur du sujet.


Bref, une déconfiture XXL, à la quelle il faudra peut-être remédier en m’intéressant à ses textes plus originaux et au parti pris plus audacieux.


(Quant au prix qu’elle a reçu, dans le mesure où il est évoqué à peu près toutes les trois pages dans le roman, je me suis demandé tout au long de ma lecture s’il ne fallait pas voir là précisément les raisons du choix des jurés… Mais non ! Ils ne sont pas à ce point faibles et vaniteux.)

vendredi 4 décembre 2020

Avant les diamants


Dominique Maisons

La Martinière, 2020



Les diamants, qu’ils soient éternels ou sur canapé, évoquent immanquablement Hollywood et son étincelante mythologie, si parfaitement incarnée par Marilyn chantant son attrait pour les précieux joyaux dans Les hommes préfèrent les blondes. Mais toute légende possède sa part d’ombre, et c’est bien celle-ci que Dominique Maisons se propose de nous révéler dans son rocambolesque roman.


Car le cinéma, c’est une industrie. Une monstrueuse machine à fric et, à l’occasion, un formidable outil de propagande. Et s’il attire les starlettes et jeunes premiers de tout poil, il suscite également l’intérêt de tout un monde beaucoup plus inattendu… et pas forcément très recommandable.


Dans les années 50, le rêve américain a le vent en poupe et, à la tête de l’Etat, on ne songe qu’à une chose : le diffuser le plus largement possible. Si l’armée combat sur le terrain les idéologies communistes à grand coups de napalm, il semble utile de faire passer aussi les messages d’une manière plus pacifique… et plus subliminale. Quoi de mieux que le cinéma pour atteindre cet objectif ? Il suffit pour cela de repérer les petits projets sur lesquels les grandes majors n’ont pas encore mis le grappin et de les financer. Et pour ce faire, de s’associer discrètement à l’un de ces mafieux qui ne sont pas contre quelques investissements un peu plus glamour que ne le sont leurs business traditionnels. 


A partir de ces ingrédients plus ou moins connus et sans aucun doute parfaitement documentés par l’auteur, celui-ci imagine un scénario digne des plus grosses superproductions américaines. Au générique, un couple d’enquêteurs dans lequel on verrait bien Bogart et Bacall, de pulpeuses jeunes femmes prêtes à tout pour décrocher leur premier rôle, un producteur dénué de tout scrupule, de vieux acteurs sur le retour et, au milieu de tout ce beau monde, l’apparition de Hedy Lamarr, Errol Flynn ou Clark Gable, excusez du peu ! Et bien sûr, des coups bas, des retournements de situation, des destins contrariés, des individus retors, des drames effroyables, des histoires d’amour, sans oublier un final explosif !


Le tout n’est pas plus désagréable qu’une bonne séance de cinéma. Mais il en va des romans comme des films, à trop en faire, on finit par lasser son public. Et pour ma part, j’avoue être arrivée au terme de ma lecture en me tortillant sur mon siège. Avec une centaine de pages en moins, la qualité de l’intrigue n'aurait pas forcément souffert, mais l’efficacité y aurait selon moi gagné. Et le plaisir aussi.



Nicole l'a quant à elle savouré de bout en bout !