lundi 24 août 2020

Fille

Camille Laurens
Gallimard, 2020



De Camille Laurens, j’ai finalement lu assez peu de choses, dont Celle que vous croyez qui ne m’avait pas franchement convaincue. Avec ce nouvel opus, comme le titre l’indique assez clairement, elle revient sur la question de l’identité féminine, sur ce que signifie et implique de naître fille. Et c’est peu de dire que ce récit à mi-chemin de l’autobiographie et de la fiction romanesque est une réussite !


D’abord parce que l’auteure, dans une première partie consacrée à l’enfance, retrouve les mots et expressions propres à cet état, ceux aussi qui avaient cours au moment où se déroule l’histoire, pour évoquer la place qu’occupe son personnage, Laurence, au sein de la famille. C’est souvent drôle tant Camille Laurens regarde la fillette avec un mélange de tendresse et d’humour, et l’une ou l’autre des scènes familiales qui nous sont rapportées ne peuvent manquer de provoquer chez le lecteur (mais sans doute plus encore chez la lectrice) un sentiment de proximité avec la jeune héroïne. 

Nous sommes dans les années 70, dans une France qui a connu la libération sexuelle, où les femmes sont désormais libres de travailler et d’avoir un compte en banque sans devoir recueillir l’autorisation de leur mari, mais où il reste pourtant plus valorisant d’avoir un fils plutôt qu’une fille, et où il apparaît toujours nécessaire d’apprendre à ces dernières les gestes d’autodéfense dont elles peuvent avoir besoin lorsqu’elles sortent seules... Sauf que les agressions sexuelles ne viennent pas toujours de l’extérieur...


La seconde partie est plus grave. Laurence porte en elle un traumatisme qu’il lui a fallu cacher. Dans cette France encore pudibonde et paternaliste, on lave discrètement son linge sale en famille et on ne fait pas d’histoires pour quelques attouchements... D’autant que Laurence est loin d’être une rebelle : elle ne désire rien tant que de plaire à son père, sans doute pour se faire pardonner de ne pas être née dotée du bon sexe. C’est sous son regard constant que Laurence mène sa vie de femme. Ce qui ne sera pas sans conséquence...


L’émancipation ne viendra pas aisément. Il lui faudra attendre de devenir mère, mère d’une fille qui la contraindra à réviser les valeurs liées à la féminité qui lui ont été inculquées et qui, au terme d’un long cheminement, la libèrera peut-être enfin de ce carcan pour penser que «c’est bien d’être une fille».


Avec humour et bienveillance, mais non sans gravité, Camille Laurens dresse un état des lieux convaincant, qui révèle à quel point le combat pour l’égalité des sexes est loin encore d’être gagné. Mais elle nous encourage surtout à aller de l’avant : même si le processus est très lent, les mentalités évoluent... Hauts les coeurs, les filles !

14 commentaires:

  1. Tu me rassures ! J'hésitais beaucoup sur ce titre, parce que j'ai eu des fortunes diverses avec les romans de Camille Laurens (mais j'ai adoré Celle que vous croyez)qui flirte souvent avec l'autofiction.

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    1. Ce livre est à mi-chemin, me semble-t-il, du roman et de l'autofiction, et pour moi c'est une vraie réussite. Je pense qu'il pourrait te plaire, et en tout cas t'intéresser.

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  2. J'avais beaucoup aimé Celle que vous croyez, plus que certains de ses précédents romans...mais par contre je ne suis pas du tout attirée par le thème de celui-ci donc je crois que je vais faire l'impasse.

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  3. Je ne crois pas que ce soit une auteure pour moi ; elle est trop dans l'auto-fiction et d'une manière qui ne m'intéresse pas beaucoup. J'ai lu des interviews et quand je vois certaines réflexions qu'elle fait, je me demande dans quel monde elle vivait pour être aussi naïve ... (ou faussement naïve).

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    1. Quel genre de réflexion ? Je ne l'ai pas entendue récemment. Mais je ne vais pas manquer de l'écouter, car je suis certaine qu'on va beaucoup l'entendre dans les semaines à venir...

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  4. il ne m'a pas plu. Je l'ai lu parce que j'avais relativement apprécié "celle que vous croyez" mais cette auteure n'est pas pour moi :-)

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  5. Il faisait partie de ma short-list, je vais l'y laisser du coup !

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