mercredi 30 octobre 2019

Une fille sans histoire


Constance Rivière

Stock, 2019



Quand les détonations et le hurlement des sirènes déchirent la nuit de ce 13 novembre, Adèle est comme à son habitude à sa fenêtre. Habitant non loin du Bataclan, seule dans son appartement elle perçoit le danger et la panique sans pouvoir ni voir ni comprendre ce qui se passe... Dans les heures et les jours qui suivent, lorsque les chaînes d’info en continu lui révèlent l’ampleur du drame, elle frissonne en reconnaissant le visage d’un jeune homme qui fréquentait assidûment le bar où elle a un temps travaillé... Au-delà du choc, ce sentiment de proximité avec l’un des défunts va amener Adèle à se rapprocher des parents de ce dernier et à prendre une part de plus en plus active dans les associations d’aide aux familles des victimes...

Encore un livre sur les attentats ? Pas vraiment. Ou bien sur un phénomène très particulier qui a suffisamment ébranlé et intrigué l’auteure pour qu’elle en fasse un roman. Car, si comme chacun de nous à l’époque, Adèle est meurtrie par ce déchaînement de violence et de haine, elle adopte un étrange comportement. Cette jeune femme effacée, que personne ne remarque et qui n’a jamais réussi à nouer de relations amicales ou amoureuses, va trouver dans ce terrible événement et dans le trouble généralisé qu’il suscite, l’occasion d’exister.

Le propos de ce roman n’est donc pas tant d’interroger notre réaction face au drame que de révéler la façon dont une blessure individuelle qui lui préexistait s’inscrit dans une douleur collective pour se confondre avec elle et la dépasser.
Pourquoi certaines personnes ressentent-elles le besoin de s’inventer un statut de victime et, surtout, de s’exposer ainsi, prenant le risque d’être démasquées ? Qu’est-ce qui les pousse à élaborer cette fiction à nos yeux impardonnable et qui nous heurte tant ?
Tout l’intérêt du roman de Constance Rivière est de mettre de côté ce sentiment de trahison pour tenter de comprendre ce qui nous semble si dénué de sens et de décence. L'auteure montre parfaitement la manière dont son héroïne finit par croire elle-même à sa propre fiction, lui permettant d'accéder à une identité dont elle se sentait jusqu'alors privée. Ce faisant, elle nous aide à saisir la nature d'un phénomène toujours extrêmement troublant lorsqu'il apparaît au grand jour.

Un récit tout à fait convaincant pour un premier roman parfaitement maîtrisé !



Un roman sélectionné par 

A crier dans les ruines, Alexandra Koszelyck, Aux forges de Vulcain
Après la fête, Lola Nicolle, Les Escales
Attendre un fantôme, Stéphanie Kalfon, Joëlle Losfeld 
Cent millions d'années et un jour, Jean-Baptiste Andrea, L'Iconoclaste
Ceux que je suis, Olivier Dorchamps, éditions Finitude
Dénouement, Aurélie Foglia, Corti
Francis Rissin, Martin Mongin, éditions Tusitala
J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi, Yoan Smadja, Belfond
L'homme qui n'aimait plus les chats, Isabelle Aupy, éditions du Panseur
L'imprudence, Loo Hui Phang, Actes Sud 
La chaleur, Victor Jestin, Flammarion
Le bal des folles, Victoria Mas, Albin Michel
Le coeur battant du monde, Sébastien Spitzer, Albin Michel
Le corps d'après, Virginie Noar, éditions François Bourin 
Le détachement, Jérémy Sebbane, Sable polaire
Les amers remarquables, Emmanuelle Grangé, Arléa
Les autres fleurs font se qu'elles peuvent, Alexandra Alévêque, Sable polaire
Rhapsodie des oubliés, Sofia Aouine, éditions de La Martinière
Tous tes enfants dispersés, Beata Umubieyi Mairesse, Autrement
Un été à Islette, Géraldine Jeffroy, Arléa
Une fille sans histoire, Constance Rivière, Stock


7 commentaires:

  1. Une lecture très troublante en effet, un roman singulier dont tu parles très bien :-)

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    1. Merci Nicole :-)
      Cette lecture a été une très belle surprise, bien que l'auteure m'était apparue assez convaincante lorsque nous l'avions entendue chez Paul & Riimbaud. Je ne n'aurais pourtant certainement pas lu ce roman sans les 68...

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  2. je le note... Je l'ai vu passer sur les blogs, réseaux mais comme ma PAL (spéciale rentrée!) déborde on verra plus tard

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    1. Eh oui, je crois qu'on n'arrivera jamais à lire tous les livres qui nous tentent...

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  3. Malgré tout le bien que tu en dis, je vais passer mon tour sur celui-ci. Je pense, sans vouloir paraître fermée, que le sujet m'agacerait tout de même un peu.

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  4. Un phénomène extrêmement troublant, en effet.

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