vendredi 6 septembre 2019

Boy Diola


Yancouba Diémé

Flammarion, 2019




Comme l’auteur, le jeune homme qui raconte cette histoire s’appelle Yancouba. Son père lui a donné ce prénom en hommage à l’un de ses frères qui fit de belles études, afin qu’il connaisse lui aussi un brillant avenir. 
Son père, c’est Aperaw. Il a quitté le Sénégal en 1969. Une autre époque, une autre vie pour Yancouba qui ignore tout de son passé. C’est qu’Aperaw n’a jamais raconté. Il n’a fait que travailler, travailler, encore et toujours, sans relâche. A l’usine, à l’aéroport, sur les marchés, il n’était pas regardant.

Lorsqu’il voit les images d’un bateau accostant, au cœur de l’hiver et de la nuit, sur les rives d’une plage corse en 2010, Yancouba a 19 ans. Il voit les hommes, les femmes, les enfants qui s’en échappent. Ils ont froid, ils ont faim sans doute. Ils ne comprennent pas ce qu’on leur dit. Une seule chose compte : une nouvelle vie les attend.

Et son père ? Dans quelles conditions est-il arrivé en France ? Et s’il n’était pas venu en avion, comme tout le monde ? Désormais, Yancouba veut savoir.

Ce livre retrace une existence, celle d’un homme qui choisit un jour de quitter sa famille et sa région, puis sa culture et son pays pour aller chercher sous d’autres cieux les moyens d’une vie digne. A la fin des années 60, la France prospère. Ses usines produisent à tour de bras. Et des bras, justement, elles en réclament goulûment. Alors les bateaux partent en ramasser, inlassablement, sur les ports de Dakar ou d’ailleurs.

La suite, on la connaît : la vie dans les foyers et dans les banlieues, les usines qui finissent par fermer, le travail qui vient à manquer, les heures interminables passées dans les divers services administratifs, le hiatus entre les cultures…

Si le sujet n’est pas neuf, le traitement qui en est fait est personnel et sensible. Le charme de ce roman réside dans le regard éminemment tendre que le narrateur pose sur son père. L’auteur ne cherche pas à faire de démonstration, ni même à établir de constat. Son propos n’est à aucun moment teinté de rancoeur et on n’y devine pas non plus le moindre désir de revanche, pas même l'envie de faire de son personnage un symbole. Mais en faisant le portrait d’un homme qui lui inspire de toute évidence respect et amour, il met au jour tout ce qui constitue l’existence d’un individu qui a un jour fait le choix de tout quitter. D’une plume délicate et non dénuée d’humour, Yancouba Diémé nous offre un premier roman prometteur, chaleureux et plein d’humanité.


4 commentaires:

  1. Oui, beaucoup de tendresse dans ce regard, ce portrait a fini par m'émouvoir, une fois entrée dans l'histoire. Une façon intéressante d'aborder ces migrations et les vies qui vont avec.

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    1. Ah, ça me fait plaisir de lire ces lignes ! Quand on en avait parlé, tu n'avais pas l'air emballée, mais tu venais juste de l'ouvrir, je crois.
      Quel dommage que ce roman n'ait pas été retenu par les 68...

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  2. je trouve ce thème inépuisable et primordial, je note donc ton avis très positif.

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