mardi 20 août 2019

Une partie de badminton


Olivier Adam

Flammarion, 2019



Mais qui a dit qu’Olivier Adam était un triste sire ? Un type neurasthénique et sinistrement dépressif dont les livres n’étaient qu’un assommant ramassis de noires jérémiades ? Personnellement, j’avais déjà goûté dans de précédents titres son sens de l’humour, certes teinté d’ironie et chargé surtout d’une bonne dose d’autodérision -. mais jamais encore il ne m’avait fait rire comme dans ce nouveau roman !

On y retrouve Paul Lerner, un double littéraire de l’auteur qui, après le relatif succès qu’avaient enfin connu ses livres, était venu avec sa famille s’installer à Paris, en plein territoire bobo. Mais ses dernières publications n’ayant rencontré qu’une pâle indifférence, il est retombé dans une dèche que l’extravagance des coûts de la vie parisienne n’ont fait qu’accentuer. Sa femme Sarah et lui-même décident donc de fuir à nouveau la capitale pour retourner vivre en Bretagne. 
Paul n’écrit plus - pour le plus grand bonheur de sa mère, lassée de voir exposées au grand jour des histoires n’ayant d’autre vocation que celle d’être enterrées en famille - et tire quelques maigres revenus de piges rédigées pour le journal local.
Clément se réjouit de pouvoir enfiler sa combinaison de néoprène tous les soirs, sitôt  l’école terminée, pour défier les vagues sur sa planche de surf, tandis que Manon a renoncé à tout échange avec ses parents, sauf à leur demander avec la lourde insistance des ados s’ils pourraient retourner à Paris le temps des vacances.
Quant à Sarah, elle vit sa vie entre le lycée où elle enseigne, le foyer d’accueil de migrants où elle est bénévole et la fréquentation assidue d’une amie chère qu’elle a retrouvée. 
Morne bilan des courses pour Paul qui a tout loisir de ruminer son sentiment toujours vivace d’être étranger au monde qui l’entoure.

Du pur Olivier Adam, donc. Mais un Olivier Adam qui cultive sans réserve l’art du décalage, rendant son personnage terriblement attachant et drôle. Sa difficulté à concilier ses principes - ceux qu’il a amplement déclinés dans ses romans - et la réalité de certaines situations, la lassitude qui s’installe au sein du couple, la difficulté à comprendre ses enfants qui grandissent et à dialoguer avec eux, la confrontation avec une société de plus en plus ouvertement et violemment intolérante... La quarantaine bien entamée, à l’heure des bilans, les dialogues souvent savoureux rendent compte avec une infinie justesse de ce chacun d’entre nous peut un jour ou l’autre connaître et ressentir. A sa façon et en nous immergeant dans une société que nous reconnaissons aisément comme la nôtre, l’auteur nous tend un miroir dont nous voudrions sans doute nous détourner si l’humour en était absent.

Et puis Olivier Adam noue peu à peu tous les éléments de son roman en une intrigue dont la tension dramatique se révèle particulièrement efficace...

En lisant ce livre, j’ai évidemment retrouvé ce regard singulier sur la vie, j’en ai éprouvé une forme de désolation, mais j’ai ri, beaucoup, j’ai tremblé aussi et j’en ai tourné les pages avec avidité. Vous ne me croyez pas ? Alors, lisez-le !


Un roman à découvrir aussi sur YouTube










19 commentaires:

  1. Ha? Jamais lu cet auteur, de criante de plomber l'ambiance, mais si tu dis que c'est drôle...

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  2. Tout ça semble quand même déjà beaucoup vu, non ? Le début de ton billet fait même penser à Jean-Paul Dubois....

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    1. C'est vrai, j'y ai pensé aussi. C'est amusant de constater que leur double littéraire porte le même prénom... ;-)

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  3. Ben mince alors, si Adam devient marrant, je veux voir ça !

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    1. Mais vas-y Jérôme ! Comme le souligne à juste titre Catherine, il y a comme un petit air de famille avec Dubois ;-)

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  4. Non... toujours pas... même s'il est moins plombant que d'habitude, ça m'étonnerait qu'il devienne d'un coup un joyeux drille... Je passe.

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    1. Bon, c'est sûr que ce n'est pas un humour potache... mais je suis certaine que ce n'est pas celui que tu préfères !
      Et je ne renonce pas à te convaincre de tenter le coup... A bientôt Nicole ;-)

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  5. J'aime Olivier Adam, j'aime son écriture mais parfois j'ai l'impression qu'il écrit toujours le même livre. Tu es tentante, là.

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    1. Je vois ce que tu veux dire. Mais il ne s'agit pas tant d'écrire le même livre que de creuser un sillon. On suit un personnage qui évolue, et on évolue d'ailleurs en même temps que lui. Sa perception du monde, ses questionnements, son rapport aux autres ou à l'écriture se transforment inévitablement, et ce qui est intéressant c'est qu'il scrute ces mouvements, qui sont si lents qu'ils en deviennent difficilement perceptibles. L'oeil et l'attention de l'écrivain, sa finesse sont précieux aussi pour percevoir la manière dont nous avançons nous-mêmes dans notre existence.

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  6. J'ai assisté à plusieurs rencontres avec lui et je ne suis toujours pas tentée. Et puis c'est quand même cette littérature française qui se regarde beaucoup le nombril .. même si c'est bien écrit.

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    1. Ah mais tu as quand même été plusieurs fois l'écouter ! ;-)
      Je t'avoue que j'ai un peu de mal avec cette expression "se regarder le nombril", qui est très péjorative. Or souvent partir d'une expérience personnelle, analyser de manière attentive ce que l'on ressent, la manière dont on voit le monde est très éclairant pour autrui. Evidemment, il faut qu'il y ait du talent. Mais plus d'un écrivain à qui l'on fait le reproche de se regarder le nombril en a selon moi, et c'est le cas d'Olivier Adam, qui signe ici un livre particulièrement réussi :-))

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  7. Souvent justement, ce que je leur reproche, c'est de ne pas aller au delà. Ceci dit, je n'ai lu qu'un seul roman d'Olivier Adam, qui ne m'a pas plu "Je vais bien, ne t'en fais pas". Il a sûrement évolué depuis et fait des choses différentes. Je vais l'écouter parce que je le trouve intéressant à l'oral :-)

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  8. Je te suis! Il me plairait à coup sûr!

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  9. j'aime bien son côté "mélancolique, pessimiste, romantique" et sa belle mèche de cheveux: j'ai bien aimé "Les lisières", "La renverse" entre autres alors pourquoi pas une nouvelle facette de son talent

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    1. Si tu as aimé Les lisières, celui-ci devrait te séduire également.

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  10. J'avais commencé Les lisières, je crois, un début qui m'avait beaucoup agacé, un peu geignard, avec une vision bien faussée de l'école... Mais je suis prête à réessayer avec ce roman, dont les premières pages et quelques extraits m'ont plu.

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    1. C'est un auteur qui est loin de faire l'unanimité. On aime ou pas, mais il ne laisse pas indifférent. Evidemment, je ne peux que t'encourager à réessayer...

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