jeudi 22 août 2019

Rose désert


Violaine Huisman

Gallimard, 2019



Fugitive parce que reine. Peut-être vous souvenez-vous de ce titre poétique et magnifique emprunté à Proust. C’était celui du premier livre de Violaine Huisman dont la lecture m’avait littéralement saisie aux tripes et au coeur. De ces textes qui par le rythme de leurs phrases et la violence de ce qu’ils dépeignent vous empoignent sans ménagement pour vous laisser, une fois le point final posé, le souffle coupé, groggy, entre stupeur et éblouissement.

Au terme de ce texte tempétueux qui faisait le portrait d’une mère hors-cadre n’ayant trouvé la paix qu'en faisant le choix de la mort, on restait sur une interrogation. Comment est-il possible de se construire avec une telle histoire ?

Dix-huit mois plus tard, Violaine Huisman nous apporte sa réponse.
Avec la même force, la même acuité de regard, la même sincérité, la même capacité à mettre de la distance avec ce qui lui est le plus intime, elle observe la jeune fille puis la jeune femme qu'a enfantée cette mère.

Et ce que l'on n'avait pu qu’entrapercevoir, ce que l'on avait été réduit à imaginer, à redouter, nous explose ici en pleine face.
Violaine ne nous épargne rien et, surtout, ne s'épargne rien. A l’instar de sa mère, elle évoque sans retenue et sans fausse pudeur sa sexualité et le chaos de ses premières expériences sentimentales. Comment une adolescente peut-elle aborder cela quand sa propre mère lui présente une image idéalisée à l’excès de la première fois et lui intime d'attendre sa majorité, tout en exposant sa propre vie sexuelle dans les moindres détails et jusqu’aux plus scabreux ? Comment considérer et approcher les hommes lorsque ceux de sa famille sont au mieux absents - il y aurait beaucoup à dire sur la figure paternelle dans ce livre - au pire, des agresseurs ? Et comment devenir mère à son tour ?

Malgré l’intensité de la douleur causée par l’irrémédiable absence et le sentiment de culpabilité, Violaine est-elle parvenue à une forme d’équilibre et d’apaisement, lui permettant de fonder son identité de femme et sa propre image de la maternité ?
Quoi qu’il en soit, le chemin aura été semé d'expériences périlleuses la menant parfois au bord du gouffre, à l'image de ce voyage à travers l'Afrique effectué pour retrouver sa mère, fil rouge de ce récit, mais surtout métaphore de son cheminement intérieur. Privée de cadres et de repères, elle aura au moins pu compter sur la littérature, omniprésente, pour l’aider souvent à trouver un cap et l’empêcher de complètement se perdre. 

Est-il besoin de le dire ? Ce second livre de Violaine Huisman m'a à nouveau foudroyée. La fille bouleverse et émeut autant que la mère.
Dans le parfait sillage de Fugitive, parce que reine, ce second livre me semble d'une écriture plus aboutie et plus maîtrisée encore, sans rien perdre de son intensité ni de son énergie. Violaine Huisman confirme magnifiquement son talent !



Et j'ai le grand plaisir de vous proposer une rencontre avec l'auteure
samedi 14 septembre à partir de 17 heures
à la librairie Le Divan !















Un livre à retrouver aussi sur YouTube !





10 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu le premier. Avec ce que tu dis, il me paraît important de commencer par lui ?

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    1. J'aurais tendance à dire oui. Disons qu'on le comprend mieux. Même si je pense qu'il peut aussi se lire en lui-même.

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  2. J'ai lu Fugitive, et décidément l'autofiction n'est pas pour moi... Mon coeur de pierre a résisté.

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    1. En fait, l'autofiction n'est pas vraiment une question, pour moi. Je me fiche de savoir si l'auteur a vraiment vécu ce qu'il raconte, et en l'occurrence, j'aurais tendance à croire que ce récit est très romancé. Mais il témoigne d'une expérience émotionnelle et affective d'une rare intensité, avec un style qui me bouleverse. Et pour moi, c'est ça qui compte ;-)

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  3. J'avais aimé Fugitive parce que reine mais pas autant que toi. J'hésite un peu sur celui-ci qui fait déjà pourtant pas mal parler de lui mais ce que tu dis de l'intensité et du style éveille malgré tout ma curiosité.

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    1. Ça ne m'étonne pas que tu aies aimé ! Comme moi, tu préfères les textes qui prennent aux tripes, qui ne cherchent pas à faire joli, aux phrases délicatement ciselées...

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  4. J'ai abandonné le premier, c'est sans espoir!

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    1. C'est le genre de texte avec lequel on accroche...ou pas. La demi-mesure me semble exclue.

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