vendredi 16 août 2019

Civilizations

Laurent Binet

Grasset, 2019

Grand prix du roman de l'Académie française 2019


Ce que j’aime chez Laurent Binet, c’est qu’il forme des projets fous et qu’il ne s’interdit rien ! Après avoir scruté l’histoire de deux hommes qui tentèrent d’assassiner Heydrich Himmler à Prague pendant la Seconde guerre mondiale en s’interrogeant sur la possibilité de relater cet épisode et revisité les conditions du décès de Roland Barthes de manière on ne peut plus fantasque, il imagine aujourd’hui que les Espagnols échouèrent à s’imposer en Amérique au XVIe siècle et que les Incas firent le trajet inverse à partir de Quito pour poser le pied sur le continent européen afin de le conquérir, avec intelligence et maestria. C’est évidemment toute la face de notre histoire qui en aurait été changée !
Portrait d'Atahualpa, XVIIe siècle
Musée national de Quito

Les principaux protagonistes sont là : l’empereur Atahualpa et son frère, dont la rivalité trouve ici un nouvel enjeu, Charles Quint, bien évidemment, ou encore Francisco Pizarro. Mais les rôles sont redistribués et l’effet de miroir est parfaitement maîtrisé : là où les Espagnols jouèrent des conflits entre les différents peuples indigènes d’Equateur et les Incas qui voulaient les soumettre pour étendre leur empire, ces derniers utilisent ici l’opposition entre catholiques et partisans de la Réforme pour asseoir leur position.

Ingapirca, temple inca,
sud des Andes équatoriennes 
Plus encore que dans les précédents romans de l’auteur, celui-ci, pour en goûter toute la saveur, demande sans doute de connaître un peu l’histoire dont il est question. Ayant eu la chance de passer mes vacances dans le pays d’où partent les personnages de ce roman, ma lecture a rétrospectivement été éclairée par tout ce que j’y ai découvert et appris. A vrai dire, je le relirais volontiers ce livre à la lumière de mes connaissances nouvelles !

Si j’avais un léger bémol à formuler, ce serait celui d’une enfant gâtée qui regretterait que Laurent Binet n’ait pas donné à son récit  une forme aussi inventive et audacieuse que dans ses deux premiers romans. Mais peut-on vraiment lui en vouloir ? Il n’a pas cherché l’effet, et le propos est  en lui-même suffisamment original et interessant  pour donner toute sa puissance à l’oeuvre.

Quoi qu’il en soit, j’ai très envie d’entendre l’auteur parler de son livre. Si vous êtes comme moi, sachez qu’il sera - notamment, car nul doute qu’il sera très sollicité en cette rentrée - à la librairie Le Divan le jeudi 12 septembre. Avis aux amateurs !



Merci à NetGalley et à l'éditeur

21 commentaires:

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    1. Chouette !!! Mais une petite chronique avant, peut-être ?

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    2. Pas sûre de l'écrire tout de suite... ça se bouscule ;-)

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    3. Carrément. Il faut dire que cette rentrée est incroyablement riche et belle !

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  2. Je n'ai jamais lu cet auteur, mais là, ce genre d'uchronie pourrait m'intéresser.

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  3. Je n'ai encore rien lu de lui, et je voudrais commencer par HHhH, à moins que tu ne me conseilles celui-ci d'abord.

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  4. je l'ai noté celui-ci car j'ai vu passer de bonnes critiques

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  5. Toujours pas lu cet auteur et pourtant toujours tentée...

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  6. Je suis ravie que tu l’aies aimé également - ton lieu de vacances a en effet dû te faire voir ce roman de manière assez différente ! Je note pour le 12 septembre, si je peux je me joindrais à toi ��

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  7. Drôle de coincidence : je viens à l'instant d'en lire un billet très mitigé ! Je suis donc ravie de découvrir le tien, plus enthousiaste. A chaque fois, les projets romanesques de Laurent Binet m'interpelle beaucoup mais je ne l'ai encore jamais lu. J'ai cependant son deuxième titre dans ma PAL. Il faudra que je m'y colle.

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    1. Je pense qu'il est moins évident à lire que La septième fonction du langage. Quoique... Ses partis pris sont tellement radicaux que c'est le type de lecture avec lequel ça passe ou ça casse, comme on dit.

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  8. je n'ai que lu La septième fonction du langage… que je n'ai pas assez aimé pour réitérer l'expérience Binet. J'avais adoré certains passages brillants, soupiré à d'autres moments…

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  9. Hélas je viens de le lâcher au tiers, je m'ennuie...

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  10. J'approche la page 100 et je ne sais pas si je vais y arriver avec ce livre alors que le principe de l'uchronie m'intéresse beaucoup... mais franchement cette accumulation de noms propres et ce récit d'événements ne parviennent pas à capter mon attention. Est-ce qu'il y a un moment où cela change un peu ?

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    1. Je crains que tu n'aies pas de déclic. Pour moi, c'est loin d'être son meilleur, même si la démarche est tout à fait passionnante. Mon regard sur ce livre a été largement remodelé par le voyage que j'ai fait cet été en Equateur et tout ce que j'y ai appris. Je crois que sans cela, il est d'un accès un peu aride...

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  11. Une lecture que je redoute par son côté trop historique et savante.

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