samedi 6 février 2016

Comme neige

Colombe Boncenne


Buchet-Chastel, 2016



Un très joli premier roman qui interroge avec malice le statut de lecteur.

C’est tout à fait par hasard que j’ai découvert ce roman, en écoutant l’émission «La grande table», sur France Culture, dont Olivier Rolin était l’invité - ce que Galéa avait eu le bon goût de me signaler ! Ce n’est en revanche pas par hasard que Colombe Boncenne partageait l’affiche de cette édition avec Olivier Rolin, puisque celui-ci est l’un des personnages de son roman. Il n’en fallait évidemment pas davantage pour piquer ma curiosité...

Constantin Caillaud, «curieux par nature, comptable de profession et passionné de littérature» tombe un jour en province sur un exemplaire de Neige noire, un roman totalement inconnu d’Emilien Petit, son écrivain préféré qui vit désormais en retrait du monde, dans un petit coin de Normandie. Souhaitant partager cette exaltante découverte avec sa maîtresse, qui lui avait fait découvrir cet auteur, il s’aperçoit rapidement que son exemplaire a disparu de sa bibliothèque, et que nulle bibliographie ne mentionne l’existence de ce roman...

Constantin entame alors une véritable enquête pour retrouver la trace de cette œuvre et en prouver l’existence. Tandis qu’il relit inlassablement les autres romans de Petit pour essayer d’y trouver des signes pouvant être interprétés comme renvoyant à Neige noire ou l’annonçant, il sollicite également par voie de courrier l’auteur lui-même, l’attachée de presse de la maison d’édition qui le publie et, au cours de ses recherches, découvre les liens d’amitié qui unissent l’écrivain à certains de ses confrères, j’ai nommé Olivier Rolin, Antoine Volodine et Jean-Philippe Toussaint. Il s’adresse alors également à eux pour essayer d’obtenir de précieux renseignements. Leurs réponses, espère-t-il, lui permettront d’éclaircir ce mystère, dont la résolution devient peu à peu la préoccupation majeure de son existence.

Or, en écoutant l’émission de France Culture, j’ai pu apprendre que Colombe Boncenne avait réellement contacté les trois écrivains précités et que les réponses que l’on peut lire dans le roman sont vraiment de leur main - du moins est-ce le cas en ce qui concerne Rolin, ce qui m’amène à penser qu’il en est de même pour Toussaint et Volodine.
Les mots qu’ils lui ont réellement adressés ont donc dû infléchir l’écriture de son propre texte, brouillant ainsi les frontières entre fiction et réalité, auteur et lecteur - un auteur étant généralement le lecteur de ceux qui l’ont précédé.

Ce court roman à l’écriture impeccable constitue un jeu fort réjouissant autour de l’écriture et du rapport que le lecteur entretient avec la littérature. Et c’est ce qui fait tout le sel de ce texte : si de nombreux romans interrogent la place de l’écrivain au sein de son œuvre et les rapports qu’entretiennent fiction et réalité, la réflexion portant sur le lecteur sont quant à elles beaucoup moins fréquentes. Ce n’est guère surprenant de la part de Colombe Boncenne, quand on sait qu’elle a fait des études de lettres et qu’elle travaille dans l’édition; voilà donc une bien malicieuse manière de passer de l’autre côté du miroir!


Clara l'a lu également

Retrouvez Colombe Boncenne sur France Culture

Roman en course pour Les 68 premières fois, édition 2016

25 commentaires:

  1. Je l'attends avec impatience, gagné à la dernière opération Masse Critique de Babelio...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'espère que l'éditeur sera rapide. C'est assez variable...

      Supprimer
  2. pas encore lu cette auteure mais c'est très tentant.
    PS j'aime beaucoup Olivier Rolin "Le météorologue" m'a bouleversée et conquise...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Alors là, tu me prends par les sentiments ;-)
      En as-tu lu d'autres ?

      Supprimer
  3. Hé bien, les filles, vous êtes tentantes;.. Noté dans un coin de tête!

    RépondreSupprimer
  4. Je ne suis pas très tentée par le thème. J'ai plutôt envie de lire directement O. Rolin.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne saurais t'en dissuader, Aifelle !
      Mais disons que ce sont des auteurs très différents, et que l'un n'empêche pas l'autre ;-)

      Supprimer
  5. Tu confirmes l'avis de Clara, ok, je suis convaincue, je vais le lire, merci pour ton billet :-)

    RépondreSupprimer
  6. J'ai repéré ce roman, et je pense le lire tôt ou tard ! ;-)

    RépondreSupprimer
  7. Ben moi je viens de commander Rolin à cause (grâce !) à toi ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Grâce !!!!! En tout cas j'espère.
      Veracruz ? Eh bien ça me fait super plaisir et j'ai hâte de lire ton billet !
      :-))

      Supprimer
  8. J'ai justement acheté ce titre que j'ai vraiment hâte de lire. J'avais eu un gros coup de coeur pour un autre titre publié chez cet éditeur (Sauf les fleurs) et leurs choix de publication m'intriguent beaucoup.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est certes un éditeur à suivre. Je trouve en tout cas ce roman-là tout à fait digne d'intérêt.

      Supprimer
  9. La problématique de départ a clairement de quoi titiller les lecteurs que nous sommes ! Je le note donc (mais Olivier Rolin d'abord :p)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, Olivier Rolin d'abord, bien sûr ;-)
      L'as-tu déjà reçu ?

      Supprimer
    2. Oui ! Je finis une lecture de la bibliothèque et je l'entame :)

      Supprimer
  10. Original comme j'aime ! je sens qu'il va me plaire ce roman !

    RépondreSupprimer
  11. Hannnn, mais Delphine il me le faut. j'avais immédiatement pensé à toi quand j'ai entendu cette émission, le livre de Boncenne m'a tout de suite tentée, mais j'attendais un avis objectif (souvent il y a des rendus de service qui biaise l'avis sur certaines ouvrages). Bref, tu étais donc mon cobaye en l'occurrence, j'ai donc décidé que 2016 sera l'année de la découverte de Rolin et je lirai celui là dans la foulée (je trouve l'idée de départ géniale, car si moi je trouvais un inédit de Modiano, ça pourrait devenir quelque chose de complètement monomanique chez moi). La chute est-elle réussie ? (rapport au livre disparu de sa bibliothèque par exemple?), pour moi c'est un élément important.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Etre un cobaye littéraire, voilà une idée qui m'amuse et me séduit !
      Le livre vaut le coup. Incontestablement, pour un premier roman, c'est assez réussi. Quant à la chute, elle est assez ouverte. En fait, ce n'est pas ce qui m'a le plus marquée dans ce livre. Mais franchement, j'ai passé un agréable moment.

      Supprimer